Impacts physique, émotionnel, social, fonctionnel… Une étude européenne publiée en janvier dernier dans Orphanet Journal of Rare Diseases décrit à partir d’une série d’entretiens les effets de l’épidermolyse bulleuse sur la santé psychosociale des patients qui en sont atteints. Avec un objectif : comprendre les répercussions spécifiques de cette pathologie sur chaque individu, au vu de la variété et de la gravité des symptômes, afin d’identifier des stratégies d’adaptation.
Dans cette étude soutenue par Debra Autriche, des chercheurs autrichiens ont mené des entretiens avec 17 patients atteints d’épidermolyse bulleuse originaires d’Autriche, d’Allemagne et d’Italie. Les participants, âgés de 10 à 49 ans, présentaient différents types d’EB : un peu plus de la moitié souffraient d’EB dystrophique, près d’un quart d’EB simplex, et une proportion équivalente d’EB jonctionnelle.
Les entretiens ont mis en évidence des impacts physiques significatifs de l’EB, notamment des démangeaisons et des douleurs intenses, le poids et l’inconfort des soins des plaies, des difficultés nutritionnelles, ainsi que des limitations motrices ou de mobilité. L’incapacité à participer à des activités sportives est souvent mentionnée comme une limitation difficile à accepter, de même que l’imprévisibilité de l’évolution de la maladie, qui affecte gravement la capacité à s’organiser. « Vous pouvez aller bien aujourd’hui, puis il vous arrive quelque chose et vous ne pouvez plus marcher pendant une semaine, par exemple », souligne ainsi l’un des patients interrogés.
La mobilité et la motricité sont limitées lorsque les pieds et les mains sont affectés par des ampoules et des plaies. L’exécution des tâches de motricité fine demande plus de patience, car les personnes concernées doivent souvent demander de l’aide pour les choses de la vie quotidienne.
Parmi les facteurs aidant à gérer ces impacts physiques, les patients interrogés ont souligné l’importance de dispositifs améliorant la mobilité pour retrouver une certaine indépendance, ainsi que le soutien de professionnels de santé spécialisés dans l’EB pour une meilleure gestion de la maladie.
Sur le plan émotionnel, le principal défi pour les patients est la difficulté à mener une vie perçue comme « normale ». L’incapacité à accomplir des activités que les autres réalisent aisément entraîne frustration et dépendance. En dehors d’une mobilité ou d’une motricité réduite, le besoin d’aide peut résulter du soin des plaies dans des parties du corps qui ne peuvent être atteintes par les patients EB eux-mêmes.
Lorsqu’on lui a demandé ce qui était difficile dans la gestion de l’EB, un interlocuteur a répondu : « On est toujours dépendant des parents. Et que l’on soit si dépendant des autres. À 21 ans, la plupart des autres sont indépendants […]. Et moi, je suis toujours assis à la maison, et j’ai besoin d’aide pour chaque petite chose ». À commencer par l’alimentation. L’une des réponses à la question de savoir ce qui est particulièrement difficile dans le cas de l’EB a été : « La nourriture. Oui, manger. »
En raison de la visibilité de l’épidermolyse bulleuse, les patients sont souvent confrontés à des réactions négatives de la part des autres, telles que le dégoût ou des questions incessantes, ce qui affecte leur vie sociale. La stigmatisation, l’exclusion et le fait d’être dévisagé sont des problèmes auxquels les personnes atteintes d’EB font face quotidiennement, et il a été démontré qu’ils ont un impact important sur la qualité de vie et la santé mentale.
Les participants à l’étude ont souligné que trouver des environnements compréhensifs et travailler à sensibiliser les autres à leur pathologie pouvaient les aider à être plus ouverts sur leur condition. Dans le cadre médical, le manque de formation spécifique des professionnels de santé concernant l’EB peut également être source de tension pour les patients.
Par ailleurs, un soutien financier et une aide régulière pour les tâches domestiques ont été identifiés comme des éléments facilitant la gestion des impacts fonctionnels de l’EB. Les soins liés à l’EB sont également coûteux, et les démarches pour obtenir une aide financière peuvent être longues et complexes. De même, les demandes d’aide-ménagère ou d’assistance personnelle sont perçues comme des procédures excessivement complexes et lourdes.
L’assistance professionnelle peut permettre aux principaux dispensateurs de soins de prendre un peu de temps libre, ce qui est également décrit comme un soulagement pour les proches.
Au final, il ressort de ces entretiens un besoin de sensibilisation du grand public et des professions médicales et paramédicales à cette maladie : les participants soulignent qu’il est important que l’épidermolyse bulleuse soit connue du plus grand nombre afin qu’ils soient traités comme des personnes « normales ».
De leur côté, les chercheurs, qui appellent à une étude multinationale de plus grande envergure, insistent sur le fait que chaque cas est unique et nécessite un soutien personnalisé pour améliorer la qualité de vie des patients EB.