La transition ado/adulte

Le 30 octobre avait lieu un webinaire sur la question de la transition de l’adolescence à l’âge adulte. Ce moment d’échange était animé par le Dr Emmanuelle Bourrat (dermatologue à l’hôpital St-Louis à Paris) et le Dr Nathalia Bellon (dermatologue à l’hôpital Necker enfants malades à Paris). À travers cet article, Debra France vous propose de revenir aujourd’hui sur cette question qui concerne tous les enfants, et qui est particulièrement importante pour nos papillons. 

La transition correspond à la période de passage d’une prise en charge pédiatrique vers une prise en charge adulte pour de jeunes patients atteints d’une maladie rare ou chronique. Les changements annoncés peuvent être déstabilisants à la fois pour le patient adolescent et sa famille.

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Dans ses aspects médicaux, les spécificités liées à l’épidermolyse bulleuse rendent parfois cette transition plus complexe que dans d’autres maladies rares.

En effet, la maladie ne s’améliore hélas pas toujours avec l’âge. Dans les formes les plus sévères les problèmes médicaux se multiplient, le volume corporel impacté croît et, par conséquent, la surface à soigner croît également (les soins sont chronophages, atteinte des voies veineuses, gastrostomie, mains en moufles, complications néphrologiques, prothèses dentaires, carcinomes épidermoïdes cutanés…).

Le chemin de l’autonomie pour un adolescent atteint d’épidermolyse bulleuse passe par différentes étapes clés. L’éducation thérapeutique y joue un rôle très important. Le maintien de la scolarité autant que possible est indispensable à la socialisation et au maintien du lien social pour les jeunes patients. Il est également intéressant de bénéficier d’un accompagnement dans l’orientation professionnelle afin d’envisager une activité adaptée.  Le permis de conduire permet une ouverture vers la liberté et l’autonomie, d’autant que les voitures aménagées sont aujourd’hui très répandues. 

Pour une transition enfant-adulte réussie, il est important d’intégrer tôt le transfert du soin du parent vers un professionnel de santé ou le patient lui-même. Cela facilitera par la suite les réflexions et les projections liées à l’indépendance matérielle, financière, la vie de couple/parentalité.

Du point de vue du soin, cette transition implique un changement de l’équipe soignante, d’interlocuteurs et la reconstruction d’un réseau médical et paramédical interactif. La prise en charge interdisciplinaire doit s’effectuer entre les différents médecins, le patient et la famille.

Cette période particulière est compliquée pour les patients. Elle doit se préparer en dehors d’un contexte médico-chirurgical. 

« Au sein des services de pédiatrie, explique le Dr Bellon,  nous constatons que cette transition d’un établissement à un autre, le changement d’équipe soignante, génère une certaine réticence et appréhension des familles. En effet, dans certains cas, des enfants sont habitués à une équipe pédiatrique  qui suit les familles, parfois depuis les premiers jours de vie. C’est alors un moment délicat autant pour les familles/patients que pour l’équipe. Ce changement est organisé main dans la main, afin de passer de Necker (hôpital enfant)  à St-Louis (hôpital adulte). Il est très important que cette transition entre services ait lieu. L’attachement réciproque médecins/patients doit servir de levier. Ce parcours ne doit pas être vu comme une rupture mais une continuité ».

Il est donc important d’anticiper cette transition pour préparer et accompagner ces changements. 

Il est également fondamental d’aborder dès la puberté les questions liées à la sexualité, le suivi gynécologique pour les femmes, la contraception, la possibilité d’avoir des enfants en bonne santé. Tout cela s’inscrit dans la conception du projet de vie du patient et il est important d’en parler avec les adolescents.

Durant cette période difficile pour les adolescents, comme pour tous les jeunes, le contexte familial tient un rôle prépondérant. Les prescriptions et consommations de morphine peuvent également avoir un impact plus ou moins important selon les situations.  Mettre sa maladie de côté afin de répondre aux besoins des ados n’est pas un problème, mais cela doit se faire sans rompre avec le suivi médical, pour ne pas être rattrapé par les complications de la maladie.

 

Parmi les obstacles médico-sociaux, la non-délégation des soins peut devenir une difficulté majeure. Un patient adulte soigné par ses parents depuis l’enfance aura forcément de grosses difficultés pour passer vers l’âge adulte. L’adolescence et la puberté sont des périodes charnières pour la délégation des soins et il ne faut pas les manquer. Évidemment dans la mesure du possible, trouver un cabinet d’infirmières libérales afin de réaliser les soins à domicile relève parfois du parcours du combattant, mais des solutions existent. Cela permet également de soulager les aidants et de préserver le lien parent-enfant.

En effet, plusieurs familles ont déjà pu bénéficier de la revalorisation de la cotation des soins infirmiers. Il faut parfois plusieurs essais avant de trouver les bonnes personnes, car  il ne faut pas oublier que la prise en charge de patients atteints d’EB demande une grande humilité et une volonté d’apprendre. 

Un système de parrainage entre patients ado/adulte fait également partie des pistes que DEBRA souhaite développer. Cette solution devrait aider  les adolescents à se projeter dans leur vie future .

La transition peut-elle se faire avant l’adolescence ?

Mais rendre son enfant autonome, ça commence bien avant l’adolescence. Et ça commence aussi bien souvent par le former aux soins en expliquant par exemple à quoi sert cette crème, comment l’appliquer, pourquoi tel soin est réalisé de telle façon et non d’une autre… percer une bulle, etc. Il est possible d’accompagner l’enfant vers le chemin de l’autonomie tout en restant à ses côtés pour vérifier que les plaies sont correctement nettoyées et les soins bien réalisés.

Pour gagner du temps, on a souvent tendance à les aider systématiquement à faire beaucoup de choses (se déshabiller, s’habiller, se chausser, ranger leurs affaires…), mais il faut essayer de penser à les laisser faire lorsque le timing le permet.

Comment se décide le passage d’un centre hospitalier pédiatrique à un centre hospitalier adulte ?

Dans un premier temps, l’équipe pluridisciplinaire pédiatrique en discute entre professionnels. L’âge des 18 ans est un repère mais de nombreux autres facteurs vont intervenir. 

Pour rappel, le lien dans les centres de référence est important afin de rester informé des derniers protocoles de traitements et de soins. Un suivi à distance peut être mis en place dans les hôpitaux proches des lieux de vie des patients, le lien se fait alors entre les deux établissements. 

Conclusion

Il est très important de rassurer les jeunes femmes et de leur expliquer que l’épidermolyse bulleuse ne les empêche pas de fonder une famille et d’avoir des enfants si elles le souhaitent. Les études démontrent qu’il n’y a aucune contre-indication aux accouchements par voie basse. Les muqueuses vaginales résistent très bien au passage du bébé, même lorsque l’on est atteinte d’épidermolyse bulleuse. C’est une discussion qui doit se tenir entre le gynécologue et la patiente. 

L’état d’esprit de l’enfant et le cadre familial jouent énormément dans la poursuite du projet de vie des patients. Nous devons concentrer nos efforts sur les possibilités qui s’ouvrent aux patients, tout en tenant compte de leurs attentes et de leurs besoins exprimés. Les parents et les soignants doivent trouver l’équilibre entre la grande fatigabilité des patients, leur perception de la maladie, leurs handicaps et la poursuite du projet de vie. 

Nous manquons cruellement de structures et d’activités collectives adaptées et de possibilités de socialisation prenant en compte les spécificités des jeunes patients. La scolarisation en milieu ordinaire est parfois très difficile et les solutions manquent. L’idéal est de pouvoir continuer à motiver son enfant de continuer à aller à l’école, même partiellement, quand cela est faisable plutôt que d’envisager une scolarisation à domicile. Le retour en arrière est parfois impossible.

Nous devons continuer d’essayer de trouver des solutions qui permettent de faire sortir les ados, même atteints des formes les plus sévères.

Pour résumer, les étapes clés de la transition ado-adulte pour les patients atteints d’épidermolyse bulleuse : 

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