Le gel de morphine topique est utilisé depuis plusieurs années pour la prise en charge de la douleur liée aux plaies ulcérées et ouvertes. Très concrètement, le gel de morphine correspond à une préparation magistrale, “un médicament préparé au vu de la prescription destinée à un patient déterminé”.
S’il a démontré ses effets positifs pour les personnes présentant des plaies oncologiques, des plaies vasculaires ou encore des escarres, qu’en est-il pour les personnes souffrant d’épidermolyse bulleuse ? Une étude récente publiée dans l’IWJ, International Wound Journal, analyse trois études de cas, trois personnes atteintes d’EB et utilisant le gel de morphine en application topique pour soulager leur douleur.
Cette étude concernant le gel de morphine topique relève d’une importance déterminante pour les personnes souffrant d’épidermolyse bulleuse pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parce que la douleur est un élément indissociable de l’épidermolyse bulleuse. Il s’agit d’une douleur physique intense et parfois insupportable. Des opioïdes traditionnels sont prescrits aux patients afin qu’ils puissent vivre avec cette douleur. Mais ces opioïdes sont des psychotropes entraînant des effets secondaires importants, comme :
Pour plusieurs patients, les opioïdes sont mal supportés.
Ensuite, il faut savoir que l’épidermolyse bulleuse se traduit par des plaies chroniques qui peuvent apparaître sur l’ensemble du corps. Des soins quotidiens et réguliers doivent être administrés aux patients afin de changer les pansements notamment. Ces soins provoquent également d’intenses douleurs.
L’étude réalisée par des scientifiques démontre les effets bénéfiques du gel de morphine topique sur la douleur causée par l’épidermolyse bulleuse. Pour cette étude, les scientifiques ont suivi et analysé trois personnes vivant au Royaume-Uni et souffrant d’épidermolyse bulleuse.
Les trois études de cas portent sur des malades atteints de différents types d’EB.
Le premier patient est un homme âgé de 28 ans et atteint d’épidermolyse bulleuse dystrophique récessive. Il présente des plaies qui couvrent 70 % de son corps, dont deux plaies plus importantes que les autres causant une douleur extrême, réduisant sa mobilité et altérant la qualité de son sommeil. Analgésique oral et opioïde sont prescrits quotidiennement au patient, notamment avant les changements de pansements.
À cause de leurs effets secondaires, le patient est réticent à tester des opioïdes plus forts. C’est donc le gel topique de morphine qui est appliqué au moment du changement des pansements, une fois par jour, sur le bord périphérique des plaies.
Le gel topique de morphine est ainsi appliqué durant deux semaines. Au bout de ce délai, le patient confirme une baisse de la douleur localisée. Après plusieurs mois d’utilisation, il est constaté une diminution de la taille des plaies.
Le deuxième patient est une femme âgée de 46 ans et atteinte d’épidermolyse bulleuse dystrophique récessive inversée. Elle présente des plaies douloureuses au périnée, aux fesses, à l’aine, à la bouche ainsi que des cloques œsophagiennes qui compliquent la prise d’analgésiques par voie orale. Ces plaies et la douleur qu’elles engendrent affectent la mobilité de la patiente, son sommeil, sa vie sexuelle ou encore sa toilette.
Le gel de morphine topique est appliqué pendant les changements quotidiens des pansements sur les bords périphériques des principales plaies. Plusieurs semaines après avoir commencé à utiliser le gel de morphine topique, la patiente signale qu’il a été bénéfique pour réduire la douleur. De plus, elle se sent plus à l’aise pendant les heures qui suivent son application.
Le troisième patient de l’étude est âgé de 67 ans et atteint d’épidermolyse bulleuse jonctionnelle. Il présente une plaie chronique sur le mollet droit. Mesurant 16 x 12 cm, cette plaie entraîne un niveau de douleur très aiguë, en plus d’une douleur nociceptive chronique. Ne tolérant pas les analgésiques oraux, des comprimés sublinguaux lui ont été prescrits, sans qu’ils permettent de vraiment réduire la douleur.
Le gel de morphine a ensuite été appliqué sur le bord de la plaie, au moment du changement du pansement et un jour sur deux. Immédiatement, après la première application du gel de morphine, le patient a indiqué ressentir une amélioration de la douleur nociceptive. Une semaine après, le niveau de la douleur a continué de diminuer. Il a donc pu arrêter la prise du comprimé sublingual. La taille de la plaie a également diminué. Au bout d’un mois, le patient a arrêté le gel de morphine topique.
Un autre étude démontre que l’application topique d’une formule non diluée et injectable de ropivacaÏne réduit les douleurs au moment de changer les pansements. De même, avant de percer des bulles, il est possible d’opter pour de la xylocaïne et de la lidocaïne, qui sont des anesthésiques topiques.
Certes, il ne s’agit que de trois études de cas, mais elles sont vraiment très encourageantes et démontrent que le gel de morphine topique peut limiter l’usage des opioïdes, réduire la douleur et améliorer significativement la qualité de vie générale des patients atteints d’une forme de l’épidermolyse bulleuse.