« Il m’arrive de sortir de mes gonds quand je fais les soins de mon enfant, je ne me reconnais pas. On dirait un dragon sorti de mes tripes. Du coup, je culpabilise et ça reste en moi » nous écrit une maman.
Son témoignage n’est pas un cas isolé. Peu de parents avouent se mettre en colère. Et pourtant ! Quel parent n’a pas un jour ressenti le trio infernal : colère puis tristesse puis culpabilité ?
Si la colère a mauvaise presse, c’est qu’elle est souvent méconnue et fait l’objet de nombreuses confusions. La plus répandue est qu’elle est associée à la violence. Or la colère n’est pas la violence (verbale ou physique) et peut très bien s’exprimer sans.
Votre enfant, votre ado, atteint d’une maladie grave, peut devenir parfois irascible et se comporter de manière agressive envers vous ou les soignants. Il vous fait des reproches, il se met en colère ou refuse de coopérer… il semble abusif ou ingrat. Cette attitude est souvent l’expression détournée d’un sentiment d’injustice face à la maladie, de la peur de la mort, de la dépendance ou de l’abandon… Il l’exprime alors de façon querelleuse pour se sentir puissant, il ne peut pas choisir d’être ou de ne pas être malade, alors il va essayer de manipuler son entourage pour agir, choisir, etc. Ces réactions « de défense », bien connues des psychologues, sont difficiles à vivre pour les proches.
De plus, les maladies chroniques entraînent généralement une fatigue physique qui abaisse le seuil de tolérance au stress et augmente l’irritabilité.
La colère n’est ni plus ni moins qu’une émotion, à accueillir comme telle. « Les émotions sont des informations sur notre état intérieur, rappelle Nadège Larcher, psychologue du développement de l’enfant et de l’adolescent et formatrice à l’atelier des parents. La colère fait partie des émotions primaires. Chacune a une fonction bien précise : la peur nous prévient d’un danger, la tristesse est un appel à l’aide… quant à la colère, elle veut nous protéger de quelque chose qu’on ne veut pas. Elle vient nous dire qu’il faut surmonter un obstacle qui ne nous convient pas. Elle met aussi en garde notre entourage sur le fait que ce n’est pas le moment de nous approcher ! ». Ni bonne, ni mauvaise, la colère est donc aussi essentielle que les autres émotions.
Angoisse ou douleurs chroniques, médicaments (antalgiques…) ou « sensation d’enfermement » dans cette enveloppe corporelle qui fait mal, peuvent causer cette agressivité. Il n’y a pas lieu de tout accepter, cette situation vous fait souffrir ou vous épuise : sachez vous protéger du stress.
Souvent, la colère interroge nos limites. La colère d’un parent, à condition qu’elle soit exprimée sans violence, est un très bon curseur pour l’enfant. Elle vient lui dire que ses comportements ne sont pas sans conséquence. C’est aussi essentiel pour sa relation aux autres. Enfin, s’autoriser à exprimer notre colère autorise aussi l’enfant à ressentir et exprimer sa propre colère.
Il ne faut pas hésiter à faire ce qu’on appelle un « cessez-le-feu », en disant à son enfant : « je quitte la pièce, je refuse toute communication sinon je vais exploser ». S’éloigner est-il un évitement ? Non, c’est un apaisement. Quand la colère monte, on peut aller dans un lieu où plus rien ne vient nourrir la tension et en reparler plus tard, et s’interroger ensemble : « la prochaine fois, que ferons-nous de différent, toi et moi, pour ne pas arriver à ce résultat ? ». Pourquoi ne pas mimer la scène ? En tout cas, ce serait se leurrer que se contenter d’un « promis, je ne le ferai plus ».
Lorsque votre enfant malade est calme et bien disposé, dites-lui gentiment mais fermement à quel point ses colères sont difficiles à supporter. En parlant avec lui, tentez de comprendre la peur ou la tristesse qui se cachent derrière cette agressivité.
Ce dialogue nécessite souvent de faire nous-mêmes, parents, ce travail de chercher à comprendre ce qui nous fait peur et de trouver les ressources pour y faire face. Vous pouvez être poussé(e) à bout par les agressions continuelles de votre enfant. Votre rage contenue risque d’exploser en colère, dirigée cette fois contre lui. Faites-vous aider pour diminuer votre stress : sollicitez une auxiliaire de vie, une aide-ménagère, l’aide d’un autre membre de la famille de confiance, une infirmière…
Confiez-vous à un(e) ami(e), à un parent passé par l’épreuve de la maladie ou consultez un psychologue spécialisé : votre médecin ou le personnel de l’hôpital pourront vous orienter.
Debra prend également en charge une séance mensuelle avec une psychologue clinicienne : Brenda Triana.
On sait combien le quotidien est compliqué. On sait que chacun fait du mieux qu’il peut et comme il peut. Mais n’oublions pas que pour prendre soin des autres, il faut avant tout prendre soin de soi.