La grossesse, alliée ou ennemie de l’épidermolyse bulleuse ?

Les grossesses sont très rares chez les patientes EB et il existe peu d’études sur leur déroulement dans le cadre de cette maladie. Tout juste sait-on que dans ses formes les plus légères, la fertilité n’est généralement pas affectée, que la plupart des patientes EB ne présentent pas de risque accru de complication liées à la grossesse et que l’accouchement par voie basse est le plus souvent sans danger. Mais comment la grossesse peut-elle impacter l’évolution de cette maladie rare ?

Pendant la grossesse 

Les femmes atteintes de formes sévères d’EB, jonctionnelle (EBJ) ou dystrophique (EBD), renoncent souvent à avoir un enfant pour diverses raisons, dont la crainte que leur état cutané s’aggrave pendant la grossesse. De fait, chez des patientes atteintes d’épidermolyse bulleuse dystrophique, quelques cas d’aggravation de la maladie au cours de la gestation ont été décrits dans une récente étude consacrée à l’impact de la grossesse sur l’évolution de l’EBD mentionnant :

Au-delà de ces quelques cas, il semble globalement peu probable que la maladie s’aggrave à l’occasion d’une grossesse, la stabilité clinique de la maladie cutanée, voire son amélioration, étant rapportée dans la plupart des cas dans la littérature disponible.

De fait, la grossesse représente une période de relative tolérance immunitaire pour empêcher le système immunitaire de la mère d’attaquer les structures fœto-placentaires. Une plus grande tolérance immunologique pourrait expliquer l’amélioration clinique des lésions chez une patiente EBD, corroborant les connaissances antérieures concernant la non-aggravation générale de cette pathologie pendant la gestation.

Des changements hormonaux importants, tels que l’augmentation des niveaux d’œstrogènes et de progestérone, peuvent aussi influencer l’état de la peau. Chez les femmes atteintes d’épidermolyse bulleuse, ces modifications peuvent ainsi entraîner une amélioration temporaire, certaines rapportant une réduction de la formation de bulles, probablement grâce à l’action anti-inflammatoire des hormones ou à une augmentation de la rétention d’eau dans les tissus, réduisant la friction cutanée.

Selon Debra Belgium, un certain nombre de femmes a constaté qu’une grossesse avait un effet positif sur leur peau, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’elle contient alors plus d’eau qu’un volume sanguin plus élevé peut lui donner une couleur plus rose.

L’anémie, qui touche souvent les patients EBD ayant des difficultés à se nourrir, a tendance à s’aggraver pendant la grossesse. Parfois, en raison de la vulnérabilité de l’œsophage, la substitution orale du fer peut s’avérer impraticable. En fonction du degré d’anémie, une administration intraveineuse de fer ou des transfusions sanguines devront être envisagées afin de maintenir les taux d’hémoglobine du patient.

Au moment de l’accouchement

Si les poussées de la maladie cutanée sont rarement démontrées dans la littérature disponible, les principales complications peuvent survenir au moment de l’accouchement.


Pour limiter les risques de complications, il est important de décider tôt d’une stratégie d’accouchement appropriée. Les données disponibles semblent encourager la voie basse pour l’accouchement lorsque cela est possible, comme le recommandent les obstétriciens interrogés dans le cadre de l’enquête publiée en 2015 sur ce sujet. De fait, en cas de césarienne, la microstomie, une mauvaise dentition ou une sténose œsophagienne très fréquentes dans les formes sévères d’EBD, peuvent rendre l’intubation extrêmement difficile, avec des risques de complications graves.

Si la césarienne est envisagée, notamment en cas de lésions des muqueuses génitales, de sténose vaginale ou pour indications obstétricales, une évaluation bénéfices/risques doit être réalisée pour décider de la méthode d’anesthésie la plus appropriée, en optant si possible pour la péridurale. Une inspection approfondie du site de ponction est toujours nécessaire, un signe d’infection à ce niveau pouvant être une contre-indication à la péridurale.

Après un accouchement par voie basse, il a été démontré que l’épisiotomie et les déchirures périnéales cicatrisent bien chez les femmes atteintes d’EBD. Une prise en charge obstétricale standard du site d’épisiotomie/déchirure, y compris des sutures, peut donc être recommandée chez ces patientes. Aucun cas de sténose vaginale après l’accouchement n’a été rapporté chez les patientes atteintes d’EBD ; au contraire, la perméabilité du canal génital après l’accouchement a été confirmée dans quatre rapports de patientes ayant accouché de plus d’un enfant par voie basse.

Période postnatale

Dans l’ensemble, la recherche documentaire souligne l’absence de complications postnatales supplémentaires liées à l’EBD par rapport aux patients non affectés.


Les femmes atteintes d’épidermolyse bulleuse penseront peut-être qu’il n’est pas possible d’allaiter. De fait, pour certaines, il sera difficile de le faire en raison de la vulnérabilité de la peau. Dans l’étude portant sur quinze cas de grossesses EBD, les femmes concernées ont pu allaiter, bien qu’un taux élevé de cloques autour des mamelons ait été rapporté, conduisant à l’arrêt dans certains cas.

Dans l’ensemble, les preuves rassemblées semblent encourager les mères EBD à allaiter lorsque cela est possible. Les patientes qui souhaitent le faire doivent être informées pour positionner correctement la bouche du nouveau-né autour de la partie de l’aréole qui a la peau la plus dure. Des protège-mamelons bien lubrifiés doivent leur être proposés afin de réduire la formation de bulles. Au final, si la grossesse chez les femmes EB peut sembler un vrai défi, la littérature scientifique, bien que limitée, indique qu’il n’existe pas de complications prénatales par rapport à la population générale et que la grossesse n’induit globalement pas d’exacerbations de la maladie. La plupart des femmes interrogées ont accouché par voie basse et n’ont subi aucune augmentation significative des complications durant leur grossesse. Bien préparée et suivie, la grossesse, l’accouchement et les suites de couches se dérouleront sans encombre.

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