Les 17 et 18 octobre derniers, plus de 270 professionnels de santé et représentants de patients du monde entier se sont retrouvés à Vienne pour faire le point sur les meilleures pratiques, les nouvelles options de traitement et les dernières avancées de la recherche pour améliorer la vie des patients atteints d’épidermolyse bulleuse. Acquis de la thérapie génique, essais cliniques en cours et initiatives au service d’une approche collaborative ont notamment marqué ces deux journées.
Alors que les traitements actuels se concentrent sur la prévention et le soulagement des symptômes de l’épidermolyse bulleuse, les récentes avancées dans le domaine de la thérapie génique offrent des résultats prometteurs pour les patients souffrant de cette maladie génétique rare. La stratégie la plus avancée a été appliquée avec succès dans les formes sévères d’épidermolyse bulleuse, ce qui a conduit à la mise au point d’un produit de thérapie génique révolutionnaire.
Des essais cliniques ont ainsi démontré que le beremagene geperpavec (B-VEC) ou Vyjuvek© favorise une cicatrisation complète et durable des plaies ainsi qu’une diminution de la douleur. Approuvé aux Etats-Unis en mai 2023 par la Food and Drug Administration (FDA), il est disponible en France en accès précoce pour l’épidermolyse bulleuse dystrophique liée au gène COL7A1 depuis septembre 2024.
Ce nouveau produit de thérapie génique se présente sous forme d’un gel, à appliquer localement sur la peau, sur une plaie ouverte. Contenant une version non mutée du gène COL7A1 et un vecteur viral rendu inoffensif (de type herpès simplex 1) qui le transporte jusqu’aux cellules endommagées, il permet aux cellules de la peau de produire à nouveau la protéine déficiente (collagène 7) et de rétablir l’ancrage entre le derme et l’épiderme au niveau de la zone traitée. Le traitement est réalisé à l’hôpital ou à la maison, dans le cadre d’une hospitalisation à domicile.
Lors de son intervention consacrée aux caractéristiques inflammatoires dans l’EB, le Pr John McGrath, du St John’s Institute of Dermatology au King’s College de Londres, a indiqué que d’autres produits de thérapies géniques seraient développées d’ici deux à trois ans, sous forme topique et éventuellement systémique.
L’utilisation de thérapies biologiques souvent utilisées dans le cancer, comme les inhibiteurs de Janus kinase (JAKI), ont démontré une amélioration de la cicatrisation des plaies par le biais de la modulation immunitaire. Mais le coût de ces thérapies plaide pour le repositionnement de molécules déjà sur le marché pour améliorer le contrôle des symptômes.
De fait, l’approche « hors AMM », dans laquelle une thérapie pour d’autres pathologies peut être réaffectée à l’épidermolyse bulleuse, gagne du terrain. Évoquant le point commun de l’inflammation aux quatre types d’EB, le Pr McGrath a ainsi souligné les bons résultats de molécules telles que :
– la diacéréine (indiquée dans l’arthrose de la hanche ou du genou), des études ayant montré que cette molécule appliquée localement sous forme de pommade permet de réduire le nombre de cloques et est recommandée en cas d’EB généralisée sévère ;
– les inhibiteurs de mTOR tels que le sirolimus (aussi connu sous le nom de rapamycine, indiqué en prévention du rejet d’organe) ont montré une régulation à la baisse de l’IL-6 réduisant l’inflammation et ayant un impact sur la transcription pour réduire l’hyperkératose, dans l’EB simplex ;
– dans le cas de l’EB jonctionnelle, la prise de colchicine orale (indiquée notamment contre les crises de goutte) a permis la réduction du tissu de granulation.
Dans le cas de l’EB dystrophique, des anticorps monoclaux tels que le dupilumab utilisé dans les maladies allergiques peuvent aider à soulager les démangeaisons, de même que le tofacitinib oral, indiqué contre le rhumatisme psoriasique chez l’adulte.
Du fait des progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes pathologiques de l’EB, les essais cliniques randomisés portant sur de nouveaux traitements se multiplient. Le congrès a été l’occasion de donner un aperçu de la recherche médicale et des résultats très encourageants de certains traitements en cours d’essais cliniques. Dans son intervention concernant le panorama des essais cliniques pour l’EB, John MacGrath a ainsi souligné que :
Mais ces essais sont confrontés à de nombreux défis, à commencer par la rareté de la maladie et son caractère hétérogène, mais aussi du fait des besoins individuels des patients, de la variété des résultats, des différentes modalités de recrutement de patients éligibles et des lacunes dans la connaissance et la compréhension de l’évolution naturelle de cette maladie.
Ces nombreux défis, associés à l’hétérogénéité des résultats de mesure et de suivi, compliquent la combinaison et la comparaison des résultats issus des différentes études, ce qui freine la réalisation d’analyses secondaires des données de recherche disponibles, obligatoires pour une prise de décision clinique.
Lancé en avril 2023, le consortium COSEB (Core Outcome Sets for Epidermolysis Bullosa) ambitionne d’optimiser l’évaluation des essais cliniques dans l’EB en fournissant un ensemble de résultats primaires harmonisés, comme l’ont détaillé Marieke Bolling, directrice médicale du centre d’expertise UMCG pour l’épidermolyse bulleuse à Groningen, aux Pays-Bas et Marjon Pasmooij, membre du Comité néerlandais d’évaluation des médicaments à l’Université d’Utrecht.
Fort d’une soixantaine de membres, ce consortium s’est donné pour mission d’harmoniser les objets d’études et les instruments de mesure des résultats afin d’améliorer la mutualisation des données et de renforcer les preuves au service de décisions cliniques éclairées tout en intégrant les retours des patients. Une initiative clé dans la dynamique collaborative et interdisciplinaire mondiale, seule à même d’améliorer le développement et d’accélérer la mise à disposition de nouveaux traitements pour l’épidermolyse bulleuse.