Déborah est la maman de la petite Julia, née avec une épidermolyse bulleuse très sévère. Cette maman courageuse nous a contactés il y a quelques jours pour partager son expérience et sensibiliser le plus de personnes possible à cette terrible maladie qui a emporté sa petite Julia le 28 septembre 2023 après avoir lutté avec force et courage pendant 5 mois et demi.
Sa maman partage avec nous son histoire et celle de toute sa famille :
Je m’appelle Déborah, j’ai 30 ans. Nous sommes, avec mon mari, les parents de Louna 5 ans et Julia qui est partie à 5 mois de demi…
Julia est née le 17 avril 2023 à Alençon par césarienne programmée car, comme sa grande sœur, elle pesait plus de 4 kg à la naissance. La grossesse s’est très bien passée, tous les examens étaient bons…
J’ai accouché à 9h40 de Julia 4,110 kg avec 10 jours d’avance, c’est vous dire !
Le sage-femme remarque sur ses doigts et le dessus de ses poignets des « bobos ». Il revient donc vers moi au bloc pour me dire que Julia a une petite désépidermisation au niveau des doigts et des poignets, mais rien de méchant.
Je passe en salle de réveil… Le sage-femme revient nous voir, car il a demandé un avis au CHU de Caen, qui demande à voir Julia. Elle sera transférée à 14h à Caen, je n’ai pu la rejoindre que le lendemain à cause de la césarienne.
Une fois au CHU, on nous explique qu’il faut faire une biopsie, on nous dit aussi que Julia est déjà sous morphine, ce qui m’a choquée sachant qu’elle venait de naître, je trouvais ça lourd et démesuré pour un petit bébé…
Les jours passent, puis les semaines, l’attente des résultats partis à Necker a été extrêmement longue. En attendant, de mon côté, je passais mes nuits à chercher sur internet ce que pouvait être cette maladie. Ça commençait à devenir inquiétant. Je pense que le personnel savait à ce moment-là, je voyais bien que la situation était particulière.
On faisait les bains tous les jours avec une sédation pour qu’elle ne souffre pas, puis les bulles ont très vite fait leur apparition au niveau des pieds, etc.
Nous étions loin d’imaginer à ce moment-là qu’une maladie de peau puisse enlever la vie de notre fille.
Dans mes recherches, je tombe sur l’épidermolyse bulleuse, je lis chaque type de maladie et chaque sous-type pour essayer de comprendre où Julia pourrait se situer. Je me dis que non, il doit s’agir de la forme la moins grave qui existe, ça ne peut pas être autrement !
Tous ces jours avant le résultat de cette fameuse biopsie n’ont été que des pleurs et de la peur à chercher des réponses à des questions : d’où ça vient ? On n’a rien vu aux examens, comment c’est possible ? On perd pied complètement…
Puis, au bout d’un mois et demi, nous sommes convoqués avec mon mari par les médecins dans un bureau à part. Je savais au fond de moi que ce n’était pas pour annoncer de bonnes nouvelles. Je suis aide-soignante et je sais que dans ce genre de situation, ils peuvent nous annoncer le pire. Ils nous expliquent qu’il s’agit d’une EB jonctionnelle. J’ai compris tout de suite ce que ça voulait dire avec tout ce que j’avais pu lire sur internet. Et là tout s’effondre, nous y compris…
Les médecins décident de refaire une biopsie pour confirmer, nous attendons ces résultats deux mois de plus. Pendant ce temps-là, il faut vivre, s’occuper de son bébé, faire comme si de rien n’était…
Je suis restée avec Julia 1 mois de demi à Caen en réanimation puis nous avons demandé un transfert au CHU du Mans. Avant le transfert et durant plusieurs jours, nous avions fait des visios avec Le Mans pour la prise en charge de Julia. Nous arrivons au Mans le 24 mai 2023 et nous avons eu la confirmation du diagnostic seulement début juillet, car le généticien ne voulait pas transmettre les résultats au Mans, il voulait nous voir en personne à Paris. Nous habitons en Sarthe, il était hors de question de laisser Julia une journée pour entendre un diagnostic que nous connaissions déjà.
Au Mans, l’équipe a été incroyable et le mot est faible ! Grâce à eux, nous avons pu ramener Julia les week-ends à la maison. La première fois, c’était le 1er juillet 2023. On a dû s’équiper d’une machine pour respirer, d’une bouteille à oxygène et d’un scope pour surveiller ses constantes (fréquence cardiaque, pression artérielle …). Le dimanche en fin d’après-midi, c’était retour en réanimation au Mans, pour la semaine, n’ayant pas d’hospitalisation à domicile en Sarthe…
Plus les jours passaient, plus les bulles recouvraient le corps de Julia, à l’exception de son visage, c’était la zone la moins touchée.
Je me rappelle ce 31 août, quand je suis arrivée le matin, l’infirmière m’a dit : « Madame ! J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer, Julia a sorti 2 dents ! ». C’est anodin, certainement, mais sachant que ses jours étaient comptés, j’étais tellement fière ! Une bonne nouvelle, NORMALE !
Il y avait des jours compliqués, il fallait réajuster le traitement régulièrement pour améliorer son confort. C’est difficile de trouver le bon médicament, la bonne sédation pour faire le bain et pour retirer tous les pansements, son corps était touché à plus de 90 %, aussi bien au niveau interne qu’externe…
C’est difficile de faire vivre une vie entière à son enfant en quelques mois. Arrivés au Mans, nous nous sommes jurés de ne pas pleurer dans la chambre de Julia et de vivre, rigoler, danser au maximum ! C’est ce que nous avons fait avec le papa, Louna, les infirmières extraordinaires, les médecins et les dames du ménage…
Il y aurait tant à dire que mon témoignage, bien qu’il soit long, ne suffit pas. La psychologue du service passait nous voir tous les jours ; avec elle, nous avons travaillé sur les soins palliatifs des enfants dès leur naissance.
La force qu’a eue Julia pour affronter toutes ces épreuves du haut de ses 5 mois et demi et son courage exemplaire ont touché beaucoup de monde autour d’elle !
Je ne dis pas ça car je suis sa maman, mais les enfants souffrant de cette maladie doivent soulever des montagnes !
Dans la nuit du 28 septembre 2023, Julia est partie, grande et forte, sans médicament pour l’aider.
Elle avait perdu énormément de poids et 3 jours avant les infirmières lui avaient posé une sonde naso-gastrique, car l’alimentation et la prise des médicaments devenaient vraiment trop douloureuses et compliquées pour elle.
On ne peut pas expliquer la perte d’un enfant, je ne trouve pas de mots assez forts pour l’exprimer, c’est inexplicable. Julia est toujours auprès de nous, partout où nous sommes, elle veille sur nous.
Les parents comme nous, qui ont perdu un enfant, savent ce que l’on ressent, il n’y a pas d’épreuve plus terrible que celle-ci…
Nous sommes, avec mon mari, porteurs sains de cette maladie. Louna, sa grande sœur, pourra se faire tester à ses 18 ans pour savoir si, comme nous, elle est porteuse ou non, mais Louna n’est pas atteinte d’EBJ.
Aujourd’hui, si nous sommes debout, c’est pour nos filles, et pour raconter à la terre entière le courage de Julia à travers cette maladie, car même si son temps était compté, il faut vivre à fond chaque seconde de vie ensemble, rire, danser, chanter… Julia adorait ça.