Être aidant et soignant : la double peine

Dans les formes graves, les personnes atteintes d’épidermolyse bulleuse auront de manière chronique des érosions cutanées avec des séquelles parfois importantes. Les bulles qui se forment au moindre frottement laissent place à des plaies à vif étendues qui peinent à cicatriser et récidivent sans cesse, contrairement aux grands brûlés.

Les soins infirmiers constituent la pierre d’angle de la prise en charge médicale de cette maladie rare (EB)

soins EB

Ils consistent à retirer les pansements à l’aide d’un bain ou d’une douche (certains patients préfèrent le bain qui permet aux pansements de s’imbiber d’eau et facilite le retrait) puis il faut ensuite percer les nouvelles bulles à l’aide d’une aiguille ou de ciseaux, retirer les peaux mortes au moyen d’une pince, hydrater la peau puis appliquer de nouveaux pansements (souvent des pansements haute technologie à base de silicone utilisés chez les grands brûlés).

Ces soins sont souvent quotidiens ou tous les 2 jours et peuvent prendre plusieurs heures chez les patients atteints d’épidermolyse dystrophique récessive sévère.

Ils sont encore trop souvent assurés par les parents du fait de la cotation insuffisante de ces soins longs et complexes.

Pourtant, il semble important qu’un IDEL (infirmier libéral) intervienne régulièrement au domicile du patient, à un rythme à convenir ensemble pour :

Mais, dans les faits, il reste de nombreux freins : construire un réseau ville-hôpital avec des Infirmiers Diplômés d’État (IDE ou infirmier.es libéraux) bien souvent assez démunis face à cette prise en charge longue, mal rémunérée, et une maladie qu’ils rencontrent souvent pour la première fois.

Sur le long terme et pour des soins lourds, il semble pourtant essentiel que l’enfant n’ait pas ses parents pour soignants exclusifs. En effet, les soins à domicile sont particulièrement susceptibles d’interférer dans la relation parent-enfant et il est primordial d’y veiller.

►    Mieux comprendre le rôle de l’aidant

L’épidermolyse bulleuse est une maladie qui impose aux personnes malades – mais aussi aux aidants -un important fardeau. La complexité de la prise en charge, sa pluridisciplinarité, la douleur psychologique et physique, chronique et aigüe engendrée par les plaies et leurs complications, la rareté de la maladie… peuvent créer des situations d’épuisement des aidants.

Les aidants agissent simultanément dans deux domaines :

Celui du soin :   L’aidant prend très souvent des fonctions de soignant pour assurer les soins cutanés quotidiens complexes et longs à domicile. Il accompagne le patient aux différentes consultations ou aux visites dans les CRMR, assure la gestion, la préparation et l’administration des médicaments au quotidien (compléments alimentaires, antalgiques, anti prurigineux, alimentation souvent lente et énergivore, parfois la pose d’une gastrostomie s’impose pour garantir un apport calorique suffisant…) ; l’aide aux tâches du quotidien (s’habiller, se chausser, porter les choses lourdes…) ; la reconnaissance des signes d’alerte (infection cutanée, plaies à l’œsophage ou dans les yeux…) ; la coordination des interventions des professionnels de santé…

Celui du quotidien : la gestion des plaies cutanées implique de faire des lessives très souvent (draps et vêtements souvent tachés par le suintement des plaies).

Le caractère évolutif de la maladie et la lourdeur des soins entraînent une augmentation des troubles de l’anxiété et de la dépression par rapport à la population générale. L’aidant a donc un rôle important dans le soutien moral du patient tout au long de sa vie. L’aidant endosse aussi un rôle dans les démarches administratives et d’accès aux droits. Le cumul de ces charges aboutit à des situations instables et souvent imprévisibles inscrites dans la durée, implique une vigilance continue et de l’anxiété, ce qui génère des périodes d’épuisement, des troubles de santé physique ou psychique, et qui altère la vie familiale, conjugale et sociale, l’activité professionnelle, le niveau de vie. Le manque de solution de répit amène souvent les couples à se ressourcer à tour de rôle.

Alléger ce quotidien est donc une priorité. Au cas par cas, des dossiers de demande de revalorisation de la cotation des soins infirmiers peuvent être adressés à la CPAM locale dont dépend le patient. Si vous ne disposez pas d’aide pour les soins infirmiers, et souhaitez en mettre en place, n’hésitez pas à faire appel à notre aide : contact@debra.fr

Le mot de l’infirmière :

Effectivement le poids de cette maladie sur le patient et son entourage est énorme et destructeur.

En plus des répercussions sur le psychisme, l’EB nécessite des heures de soins et une maîtrise de la technique de pansement (prévention et soins des bulles et plaies).

Il n’y a pas UNE mais une multitude de techniques et de matériel pour effectuer les soins de plaies. Chaque patient est unique, et en fonction de l’état quotidien de la peau, il convient chaque jour de surveiller, évaluer, choisir et appliquer ce qui conviendra le mieux.

C’est en cela que l’intervention d’une infirmière est précieuse. Bien sûr que ce sont les parents qui connaissent le mieux leur enfant, bien sûr qu’ils deviennent vite des experts en soins des plaies.

Mais est-ce bien le rôle d’un parent sur le long terme ?

Au travers de mes échanges avec les parents et patients jeunes adultes, il m’est apparu évident que à force d’assumer seul les soins, le parent soignant ressent de l’épuisement (en terme de temps, lourdeur psychologique), du doute (« est-ce que je fais bien ? qu’est-ce qu’on pourrait mettre d’autre sur sa peau ? »), il doit souvent gérer le conflit (« il faut se battre, il ne veut pas coopérer, il hurle, négocie… »), et il éprouve aussi un sentiment de culpabilité (« j’ai l’impression de le torturer ! » mais aussi « je lui ai transmis la maladie, c’est à moi de m’en occuper »…), etc.

L’infirmière, outre sa possibilité de faire bénéficier de son œil expert, pourra, même si elle ne remplace pas le parent (car pour un petit, il faut souvent 3 ou 4 mains pour être efficace), accompagner dans la manipulation des pansements, conseiller (connaissance de différents produits souvent inconnus des parents ), dépister une complication, voir le patient dans sa globalité (et pas seulement les plaies), dédramatiser et désamorcer une situation de conflit (l’enfant est souvent plus coopérant avec une tierce personne), dégager du temps pour un des parents, les soutenir moralement.

Une relation de confiance et de complicité peut s’instaurer entre le soignant et le patient, permettant souvent à celui-ci de pouvoir exprimer ce qu’il n’ose pas forcément dire à ses proches.

Il est vrai que l’intervention d’une infirmière est compliquée par le temps que nécessitent les soins : inclure 1 à 2 heures de soins chez un patient dans une tournée déjà chargée est chose très difficile. La prise en charge d’un patient atteint d’EB demande une grande implication tant sur le plan de l’organisation que celui de la maîtrise des soins, la connaissance de cette maladie complexe, l’impact psychologique.

Et il est vrai aussi que pour les familles, dépendre de la disponibilité du soignant pour effectuer les soins est également contraignant et souvent frustrant. C’est la principale raison pour laquelle les parents préfèrent se « débrouiller seuls ».

Il est urgent que soit reconnu ce besoin d’intervention infirmière, pour venir en aide aux patients et leurs familles, et que soit établie une cotation spécifique au lourd soin de ces patients.

Au sein de l’association DEBRA France, l’infirmière est là à l’écoute des familles, de leurs besoins, mais aussi pour les soignants à domicile, avec qui elle peut établir un lien.

N’hésitez pas à contacter Gwenaëlle par mail gwenaelle.ramolino@debra.fr, en précisant vos coordonnées, téléphoniques notamment.

Elle vous répondra par mail ou par téléphone.

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