Aujourd’hui, nous vous proposons de revenir sur l’intervention du professeure Amy S. Paller, directrice du centre de recherche sur la peau à l’Université de Chicago lors du Congrès International Debra ayant eu lieu du 16 au 19 septembre. Son intervention, retranscrite sous forme d’interview, nous aidera à mieux comprendre comment fonctionnent les essais cliniques.
Qu’est-ce qu’une expérimentation humaine ?
L’expérimentation humaine consiste en des essais cliniques sur l’homme pour le développement d’un nouveau médicament ou d’un nouveau traitement et s’appuient sur une méthodologie particulière.
- Elle requiert le consentement libre et éclairé des participants via différents documents : formulaire de consentement, enquêtes, questionnaires, recherche épidémiologique (impliquant l’inscription à un registre)
- Elle exploite des données biomédicales recueillies lors d’un prélèvement sur des volontaires (bio banking) pour faire avancer la recherche. Il s’agit généralement d’une analyse ADN (salive, sang) ou d’une biopsie de la peau.
- Il y a plusieurs avantages à réaliser un prélèvement cutané (biopsie de la peau) dans le but de le faire analyser par le laboratoire : cela permet de regarder les tissus sous microscope, retirer les protéines et les gènes pour les analyser, mettre en culture tous types de cellules dans l’optique d’être étudiées pour être utilisées comme thérapie.
Il existe aussi des essais interventionnels qui sont des essais cliniques durant lesquels on teste l’efficacité et la sécurité d’un traitement, d’un dispositif ou d’une technique.
Comment participer à une étude clinique ?
- Plusieurs centres d’enregistrement existent dans le monde, comme le Registre International, basé en Hollande (700 patients touchés par l’EB dystrophique) ou en Amérique du Nord « EB Clinical Research Consortium » (20 sites aux USA et au Canada et environ 1000 patients inscrits dans leur base de données).
- Ces registres sont utiles pour étudier des aspects cliniques de l’épidermolyse bulleuse. Exemples d’études : structures de l’œsophage, directives sur les meilleures pratiques en matière d’anémie, etc.
Pourquoi la recherche biomédicale a besoin de réaliser des essais cliniques ?
- Les essais cliniques permettent d’avancer sur la recherche et changer le quotidien des malades atteints par cette pathologie de la peau.
- L’essai clinique répond à un problème clinique : qu’est-ce qui cause l’épidermolyse bulleuse, qu’est-ce qui caractérise la maladie, quels problèmes sont associés avec l’EB, avec quels moyens on peut efficacement et sûrement traiter la maladie ?
Quels sont les différents types d’essais cliniques ?
Il subsiste deux grands types d’essais thérapeutiques :
- Des petites études ou étude pilote précoce qui sont généralement portées par un seul groupe d’investigateurs ou un petit nombre de centres de recherches.
- Des études réalisées par des centres investigateurs (multicentres) qui regroupent des études d’un très large panel de sujets. Ces études peuvent être sponsorisées par un partenaire industriel ou un investisseur. Ce type d’essai clinique assure la validité et la reproductibilité des résultats.
Est-ce qu’un essai clinique est sûr ?
- Aucun essai clinique ne peut être réalisé sans être approuvé par une commission d’examen réalisée par une institution. Quand une nouvelle molécule voit le jour, celle-ci doit être approuvée par les autorités de santé. En France, c’est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui valide l’innocuité du nouveau traitement mis au point.
- Toutes les études doivent inclure une signature avec consentement. Si vous ne comprenez pas les risques et les bénéfices d’une étude, ne signez tout simplement pas. Il y a normalement toujours un professionnel de santé compétent qui répondra à vos interrogations.
Faisons un point sur les tests de référence (ou gold standards)
Le test de référence dans les essais cliniques interventionnels relève de l’essai randomisé en double aveugle, contrôlé par placebo.
Randomisé, c’est-à-dire que le groupe auquel vous allez appartenir dans l’étude est décidé de manière aléatoire, souvent via un programme informatique.
- En double aveugle : ni vous ni l’enquêteur ne savent qui fait partie du groupe placebo.
- Contrôlé par placebo : cela signifie que le placebo ressemble au médicament expérimental. Quelques exemples concrets : une pilule ou un liquide ressemblant au traitement, mais sans le principe actif ; une injection d’eau saline si le médicament testé dans le contexte de l’essai clinique est administré par injection. Cette variable permet de maintenir jusqu’au bout l’étude en double aveugle.
Parfois, il existe des essais cliniques en simple aveugle, quand il est tout simplement impossible de cacher la différence entre le produit placebo et le vrai produit, car le vrai produit a une odeur particulière. Dans ce cas, il est préférable d’informer le groupe actif.
Le contrôle par placebo sert à déterminer la différence entre le groupe actif VS le groupe placebo. C’est le point déterminant pour comprendre l’efficacité et la sécurité du médicament mis au point.
Les essais cliniques peuvent fournir des informations utiles, même si les résultats concernant le médicament actif ne sont pas encourageants. Si vous décidez de vous inscrire ou d’inscrire votre enfant atteint d’épidermolyse bulleuse à un essai clinique, cela ne mène pas forcément à un nouveau traitement. Néanmoins, cela peut donner aux chercheurs des informations très importantes permettant de faire grandement avancer la recherche sur l’EB.
Quelles sont les différentes phases cliniques ?
- Étude de Phase I : il s’agit de la phase précoce durant laquelle un petit groupe de personnes font les tests préliminaires, aidant à déterminer la dose.
- Étude de Phase II : un groupe bien plus large. Phase durant laquelle les chercheurs abordent la sécurité et l’efficacité, y compris de différentes doses de médicaments. Cette phase permet aux chercheurs de décider quelle dose s’avère être la plus efficace.
- Étude de Phase III : des groupes encore plus larges pour confirmer l’efficacité, pour surveiller les effets secondaires, les effets indésirables… Une phase d’essai majeure durant laquelle les autorités de régulation des médicaments approuvent le traitement.
- Étude de Phase IV : après l’autorisation de mise sur le marché du médicament, du traitement, cette phase se focalise sur les effets sur le long terme du médicament sur une population large.
Quel est l’état des lieux des études cliniques sur l’épidermolyse bulleuse ?
Il y a actuellement 103 études postées sur l’épidermolyse bulleuse soit 9 de plus qu’en 2020 et deux fois plus qu’il y a quatre ans. Comme nous l’avons détaillé dans un précédent article, nous assistons à une expansion de la recherche clinique sur l’EB dans le monde.
Que se passe-t-il après la publication d’un essai clinique ?
Généralement, une industrie qui sponsorise l’étude va publier un communiqué de presse en ligne, détaillant les résultats de son étude. Vous pouvez aussi voir des présentations à des rencontres professionnelles.
Quelles difficultés peut-on rencontrer lors d’un essai clinique ?
Si le recrutement de l’essai clinique est trop rigoureux :
- Quand un chercheur est trop rigoureux quant au recrutement des personnes voulant participer à un essai clinique, cette trop grande rigueur peut limiter le nombre de participants.
- L’EB est une affection rare, il y a de plus en plus d’essais cliniques qui sont en compétition. Malheureusement, si nous n’avons pas assez de personnes dans un essai clinique, vous ne pouvez malheureusement pas terminer cet essai clinique et il est impossible de savoir si un traitement est efficace ou pas.
Quel est le principal critère d’inclusion dans le protocole de recherche clinique sur l’EB ?
Les patients ayant les formes les moins invasives d’EB et les patients les plus âgés sont les plus susceptibles de participer à des essais cliniques sur l’EB.
Quelles sont les « bonnes pratiques » liées aux essais cliniques ?
- Il est plus attractif de proposer un essai clinique si tout le monde a le médicament actif dès le début ou si le taux placebo/ groupe actif est plus élevé. Forcément, l’espoir anime les patients, ils veulent tester la substance active et ne pas prendre de médicaments placebo.
- Il est important d’éviter les tests invasifs comme les tests sanguins ou les biopsies pour maximiser le recrutement des patients participant aux essais cliniques sur l’EB.
- Un autre conseil que je peux vous apporter : il est important de choisir les bons outils pour analyser les données, mais surtout de choisir le meilleur « endpoint » c’est-à-dire les paramètres de mesure des problématiques principales de l’étude. Cette problématique participe essentiellement à déterminer l’envergure et ‘l’impact de l’étude et les bonnes interprétations de ses résultats.
À l’heure de la pandémie de la Covid-19, quels sont les challenges pour pouvoir organiser un essai clinique pour des patients atteints de maladies rares comme l’épidermolyse bulleuse ?
- La pandémie rend les essais plus difficiles, mais également le recrutement des personnes. Il est également important de rappeler que les centres hospitaliers sont les lieux les plus sûrs : le port du masque est obligatoire, les gestes barrières sont respectés.
- Dans les pistes de réflexion abordées pour faciliter les essais cliniques : il existe des options comme les visites à domicile ou la télémédecine, qui aident vraiment les chercheurs à recruter des patients.
Comment s’informer sur les résultats cliniques d’une étude sur l’EB ?
Si vous souhaitez plus d’informations sur l’état des lieux des essais cliniques sur l’épidermolyse bulleuse, rendez-vous sur clinicaltrialsregister.eu ou sur clinicaltrials.gov.
Vous saurez quels essais cliniques sont en cours, quels essais cliniques ont déjà publiés leurs résultats de recherches. Vous aurez accès à une quantité d’informations intéressantes sur les essais cliniques réalisés en Europe, et même en Asie. Pubmed.gov est aussi une bonne source pour s’informer sur les essais de recherche sur l’EB.
Si vous ne maîtrisez pas l’anglais et que vous souhaitez être accompagné et recevoir les dernières actualités sur les essais cliniques en cours, n’hésitez pas à nous contacter et faire partie de la grande famille EB.